Reconnaissons-le : l’abondance d’activités dans les domaines du cinéma, du théâtre et de la musique, la multiplication des festivals leur faisant la part belle, ne nous a laissé que peu de place pour parler d’arts plastiques. Et les expositions qui se suivent, à un rythme quelquefois rapide, ont pu être occultées. Aussi avons-nous plaisir à revenir sur les dernières expositions d’un espace qui a toujours su faire les bons choix et présenter des talents inédits.
François Piers y exposait cet été. Ce consul honoraire de Tunisie en Belgique est un artiste atypique par la double personnalité que l’on découvre dans son travail : aquarelliste intuitif, tout en légèreté et en fluidité, il a toujours vécu au bord de la mer, d’Ostende à la côte d’Azur et de Venise à Sidi Bou Saïd. Remarquable dans sa capacité de donner à voir les paysages marins, il offre des aquarelles toutes de sérénité, de calme liquide, d’imprécision paisible.
Mais François Piers est également sculpteur, et il campe des personnages graphiques, découpés dans du fer noirci, tous semblables et pourtant différents, d’une étonnante présence. Est-ce cela que l’on retient de lui a priori ? C’est, en tout cas, ce qui marque le plus fortement.
L’exposition de François Piers a servi à financer la restauration d’une école primaire à Aïn Saïda et un terrain de sport pour jeunes. Ce qui est également atypique chez nos artistes.
Il était suivi par l’émouvante Alia Derouiche Cherif. Celle-ci, pour sa première exposition personnelle, déclare tout de suite son credo : «Enhebek» (Je vous aime), un amour esthétique, précieux, délicat, raffiné. Alia Derouiche reprend et détourne des cartes postales anciennes de l’iconographie orientaliste, ou des scènes cultes de grands films d’amour muets. Elle les enlumine, les enrichit, les cerne d’arabesques, et leur donne une nouvelle vie. C’est à mi-chemin de l’icône byzantine, et de la miniature persane, avec une inspiration de manuscrits anciens. Des expériences similaires avaient été présentées, certes, mais jamais aussi poussées ni aussi abouties. Le public l’a d’ailleurs compris et l’exposition a remporté un succès certain.
Dernier en date, Walid Zouari avec ses «Faces et Stories» qui déclenchent la polémique. Nous laisserons nos artistes s’expliquer quant à la paternité de leurs œuvres, et découvrirons avec curiosité les mille et un visages que décline l’artiste depuis qu’il a abandonné ses diversions abstraites.
Les visages de Walid Zouari sont ni tout à fait les mêmes ni tout à fait autres. Un trait graphique, d’une simplicité enfantine, se révèle apte à transcrire émotions, sensations, sentiments d’étonnante manière. Cette accumulation de masques, un peu inquiétante dans leur concentration, raconte différentes histoires. «Les visages disent ce retour empressé vers une humanité qui figure en masques impassibles, en faces souriantes ou renfrognées, voire en cocasses caricatures».